Techniques de Calcul de Limites pour Fonctions Vectorielles

Techniques de Calcul de Limites

Démontrer l’existence d’une limite pour une fonction de plusieurs variables est souvent plus difficile que de prouver sa non-existence. Tandis que deux chemins donnant des limites différentes suffisent pour conclure à la non-existence, prouver l’existence requiert de montrer que la limite est la même pour tous les chemins possibles. On utilise pour cela des techniques de majoration ou des changements de coordonnées adaptés.

1. Passage en Coordonnées Polaires (pour les limites en (0,0) dans $\mathbb{R}^2$)

C’est la technique la plus courante et la plus efficace pour les limites au point $(0,0)$. On remplace les coordonnées cartésiennes $(x,y)$ par les coordonnées polaires $(r, \theta)$ : $$ \begin{cases} x = r \cos \theta \\ y = r \sin \theta \end{cases} $$ où $r = \sqrt{x^2+y^2}$ est la distance à l’origine.
Dire que $(x,y) \to (0,0)$ équivaut à dire que $r \to 0^+$, indépendamment de la valeur de $\theta$.

Méthode
  1. On remplace $x$ et $y$ dans l’expression de $f(x,y)$ par $r \cos \theta$ et $r \sin \theta$.
  2. On obtient une nouvelle expression $g(r, \theta) = f(r \cos \theta, r \sin \theta)$.
  3. On essaie de majorer la valeur absolue de $g(r, \theta)$ par une fonction $h(r)$ qui ne dépend que de $r$ et qui tend vers 0 lorsque $r \to 0^+$. $$ |g(r, \theta)| \le h(r) \quad \text{avec} \quad \lim_{r \to 0^+} h(r) = 0 $$
  4. Si on y parvient, alors par le théorème d’encadrement, $\lim_{(x,y) \to (0,0)} f(x,y) = 0$.

Exemple

Étudions la limite en $(0,0)$ de $f(x,y) = \frac{x^3}{x^2 + y^2}$.

En passant en polaires : $$ f(r \cos \theta, r \sin \theta) = \frac{(r \cos \theta)^3}{(r \cos \theta)^2 + (r \sin \theta)^2} = \frac{r^3 \cos^3 \theta}{r^2 (\cos^2 \theta + \sin^2 \theta)} = \frac{r^3 \cos^3 \theta}{r^2} = r \cos^3 \theta $$ On majore la valeur absolue : $$ |f(r \cos \theta, r \sin \theta)| = |r \cos^3 \theta| = r |\cos^3 \theta| $$ Comme $|\cos \theta| \le 1$, on a $|\cos^3 \theta| \le 1$. Donc : $$ |f(r \cos \theta, r \sin \theta)| \le r $$ On a bien trouvé une majoration par une fonction de $r$ qui tend vers 0 : $\lim_{r \to 0^+} r = 0$.
On conclut que $\lim_{(x,y) \to (0,0)} f(x,y) = 0$.

2. Encadrement et Théorème des Gendarmes

Cette méthode est plus générale et n’est pas limitée aux voisinages de l’origine. Le principe est de « coincer » la fonction (ou sa norme) entre deux autres fonctions qui tendent vers la même limite.

Théorème d’Encadrement

Soient $f, g, h$ trois fonctions de $A \subset \mathbb{R}^p$ dans $\mathbb{R}$. S’il existe un voisinage de $a$ sur lequel on a $g(x) \le f(x) \le h(x)$, et si : $$ \lim_{x \to a} g(x) = \lim_{x \to a} h(x) = L $$ Alors $\lim_{x \to a} f(x) = L$.

Un cas très fréquent est celui où l’on veut montrer qu’une limite est nulle. On majore alors la valeur absolue de la fonction par une autre fonction qui tend vers 0.

Exemple

Reprenons $f(x,y) = \frac{x^3}{x^2 + y^2}$.
On cherche à majorer $|f(x,y)| = \frac{|x|^3}{x^2+y^2}$.
On sait que $x^2 \le x^2 + y^2$. En prenant la racine carrée, on a $|x| \le \sqrt{x^2+y^2} = \|(x,y)\|_2$.
On peut donc écrire : $$ |f(x,y)| = \frac{|x| \cdot x^2}{x^2 + y^2} \le \frac{|x| \cdot (x^2 + y^2)}{x^2+y^2} = |x| $$ On a donc l’encadrement $0 \le |f(x,y)| \le |x|$.
Or, $\lim_{(x,y) \to (0,0)} |x| = 0$.
Par le théorème des gendarmes, on conclut que $\lim_{(x,y) \to (0,0)} f(x,y) = 0$.

3. Utilisation d’Équivalents et de Développements Limités

L’utilisation des équivalents et des développements limités (DL) est possible mais doit être faite avec une grande prudence, car les règles de composition ne sont pas aussi directes qu’en dimension 1.

  • Par composantes : On peut appliquer les DL et équivalents usuels sur chaque composante, si celles-ci sont des fonctions d’une seule variable ou si la structure de la fonction le permet.
  • Après un changement de variable : On peut se ramener à une limite en 0 et utiliser des DL. Par exemple, pour une limite en $a=(a_1, \dots, a_p)$, on pose $h = x-a$, de sorte que $h \to 0$. La fonction devient une fonction de $h = (h_1, \dots, h_p)$.

En général, cette méthode est réservée aux cas où la structure de la fonction est assez simple (par exemple, des sommes ou produits de fonctions dont on connaît le comportement).