Pour comprendre ce théorème, il est essentiel de définir la notion d’anneau noethérien. Soit $A$ un anneau commutatif. Les conditions suivantes sont équivalentes, et si l’une d’elles est vérifiée, l’anneau $A$ est dit noethérien :
- Condition des chaînes ascendantes : Toute suite croissante d’idéaux de $A$ est stationnaire. C’est-à-dire que pour toute suite $I_1 \subseteq I_2 \subseteq I_3 \subseteq \dots$, il existe un rang $N$ tel que pour tout $k \ge N$, $I_k = I_N$.
- Condition de génération finie : Tout idéal de $A$ est de type fini, c’est-à-dire qu’il peut être engendré par un nombre fini d’éléments.
Les anneaux noethériens sont fondamentaux en algèbre et en géométrie algébrique car ils possèdent de bonnes propriétés de finitude. Par exemple, les corps et l’anneau $\mathbb{Z}$ des entiers sont noethériens.
Si $A$ est un anneau commutatif noethérien, alors l’anneau des polynômes à une variable et à coefficients dans $A$, noté $A[X]$, est également noethérien.
Esquisse de la Démonstration
La démonstration est un argument classique d’algèbre commutative, souvent appelé l’argument de l’idéal des coefficients dominants. On montre que tout idéal de $A[X]$ est de type fini.
- Hypothèse par l’absurde : On suppose que $A[X]$ n’est pas noethérien. Il existe donc au moins un idéal $I$ de $A[X]$ qui n’est pas de type fini.
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Construction d’une suite de polynômes : On construit par récurrence une suite de polynômes $(P_k)_{k \in \mathbb{N}}$ dans $I$ de la manière suivante :
- On choisit $P_0$ comme un polynôme non nul de degré minimal dans $I$.
- Pour $k \ge 0$, on choisit $P_{k+1}$ comme un polynôme de degré minimal dans l’idéal $I \setminus \langle P_0, \dots, P_k \rangle$. L’existence d’un tel polynôme est garantie par le fait que $I$ n’est pas de type fini.
- L’idéal des coefficients dominants : Pour chaque $k$, soit $a_k$ le coefficient dominant de $P_k$. On considère l’idéal $J$ de $A$ engendré par tous ces coefficients dominants : $J = \langle a_0, a_1, a_2, \dots \rangle$.
- Utilisation de la noethérianité de A : Puisque $A$ est noethérien, l’idéal $J$ doit être de type fini. Il existe donc un entier $N$ tel que $J = \langle a_0, a_1, \dots, a_N \rangle$. En particulier, le coefficient $a_{N+1}$ peut s’écrire comme une combinaison linéaire des précédents : $a_{N+1} = \sum_{i=0}^N c_i a_i$ pour certains $c_i \in A$.
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La Contradiction : On construit un nouveau polynôme $Q = P_{N+1} – \sum_{i=0}^N c_i X^{\deg(P_{N+1})-\deg(P_i)} P_i$.
- Par construction, le coefficient dominant de $Q$ est nul, donc $\deg(Q) < \deg(P_{N+1})$.
- $Q$ est dans $I$ mais n’est pas dans $\langle P_0, \dots, P_N \rangle$ (sinon $P_{N+1}$ y serait aussi).
- Conclusion : L’hypothèse de départ est fausse. Tout idéal de $A[X]$ doit être de type fini, et donc $A[X]$ est noethérien.
Si $A$ est un anneau noethérien, alors l’anneau des polynômes à un nombre fini de variables $A[X_1, \dots, X_n]$ est également noethérien.
En particulier, si $K$ est un corps, alors $K[X_1, \dots, X_n]$ est un anneau noethérien.
Implications en Géométrie Algébrique
Ce corollaire est le point de départ de la géométrie algébrique. Il a une conséquence géométrique directe :
Tout ensemble algébrique dans $K^n$ (où $K$ est un corps) peut être défini par un nombre fini d’équations polynomiales.
En effet, l’idéal $I(V)$ associé à un ensemble algébrique $V$ est un idéal de $K[X_1, \dots, X_n]$. Puisque cet anneau est noethérien, l’idéal $I(V)$ est engendré par un nombre fini de polynômes, disons $P_1, \dots, P_m$. L’ensemble des zéros communs à ces $m$ polynômes est alors le même que l’ensemble des zéros de tous les polynômes de l’idéal, c’est-à-dire $V$.