Une équation diophantienne est une équation polynomiale à coefficients entiers dont on cherche les solutions entières. Géométriquement, l’ensemble des solutions (réelles ou complexes) d’une équation polynomiale $P(x,y)=0$ forme une courbe algébrique. Chercher les solutions entières revient à chercher les points de cette courbe dont les deux coordonnées sont des entiers, appelés points entiers.
Une question fondamentale est de savoir si une courbe donnée possède un nombre fini ou infini de points entiers.
- Une droite comme $y=2x+1$ a une infinité de points entiers.
- Un cercle comme $x^2+y^2=1$ n’a que quatre points entiers : $(\pm 1, 0)$ et $(0, \pm 1)$.
- Une hyperbole comme $x^2-2y^2=1$ (équation de Pell) a une infinité de points entiers.
Le théorème de Siegel fournit un critère topologique, le genre de la courbe, pour distinguer ces cas. Le genre est un entier positif ou nul qui mesure la « complexité » de la courbe. Intuitivement, une sphère est de genre 0, un tore (un beignet) est de genre 1, un bretzel à deux trous est de genre 2, etc.
Soit $C$ une courbe algébrique irréductible définie par une équation à coefficients rationnels. Si le genre de la courbe $C$ est strictement positif (genre $\ge 1$), alors $C$ ne possède qu’un nombre fini de points à coordonnées entières.
Esquisse de la Démonstration
La démonstration du théorème de Siegel est extrêmement difficile et constitue l’un des résultats les plus profonds de la théorie des nombres du XXe siècle. Elle est non-constructive, c’est-à-dire qu’elle prouve la finitude sans donner de méthode pour trouver les solutions ou même borner leur taille.
Les idées principales de la preuve reposent sur des techniques avancées de l’approximation diophantienne. L’outil central est une version sophistiquée du théorème de Thue-Siegel-Roth, qui donne des bornes très fortes sur la qualité avec laquelle les nombres algébriques peuvent être approchés par des nombres rationnels.
En substance, la preuve montre que si une courbe de genre positif avait une infinité de points entiers, on pourrait utiliser ces points pour construire une suite de nombres rationnels qui approcheraient « trop bien » un certain nombre algébrique, ce qui contredirait le théorème de Thue-Siegel-Roth.
Implications et Exemples
- Le cas du genre 0 : Le théorème ne dit rien sur les courbes de genre 0. Comme vu dans les exemples, elles peuvent avoir un nombre fini ou infini de points entiers. La classification de ces cas est un autre problème.
- Courbes elliptiques (Genre 1) : Une courbe elliptique est une courbe de genre 1. Par exemple, l’équation $y^2 = x^3 – x + 1$ définit une courbe elliptique. Le théorème de Siegel garantit qu’elle n’a qu’un nombre fini de points entiers. Dans ce cas précis, les solutions sont $(\pm 1, \pm 1), (0, \pm 1), (2, \pm 3), (4, \pm 8), (52, \pm 375)$.
- Courbes de Fermat (Genre > 1 pour n>3) : L’équation de Fermat $x^n + y^n = 1$ (avec $n \ge 4$) définit une courbe de genre supérieur à 1. Le théorème de Siegel implique qu’elle n’a qu’un nombre fini de points entiers. Le célèbre dernier théorème de Fermat, prouvé par Andrew Wiles, va plus loin en montrant que les seuls points rationnels sont les points triviaux.
- Vers le théorème de Faltings : Le théorème de Siegel traite des points à coordonnées entières. Il a été une étape majeure vers un résultat encore plus puissant, le théorème de Faltings (prouvant la conjecture de Mordell en 1983), qui affirme que toute courbe de genre supérieur à 1 n’a qu’un nombre fini de points à coordonnées rationnelles.