En algèbre, une extension de corps $L/K$ est une situation où $K$ est un sous-corps de $L$. $L$ peut alors être vu comme un espace vectoriel sur $K$.
- Une extension est dite finie si $L$ est un espace vectoriel de dimension finie sur $K$.
- Une extension est dite simple s’il existe un élément $\alpha \in L$ tel que $L$ est le plus petit corps contenant à la fois $K$ et $\alpha$. On note alors $L = K(\alpha)$. Un tel élément $\alpha$ est appelé un élément primitif de l’extension.
- Une extension finie est dite séparable si le polynôme minimal de chaque élément de $L$ n’a que des racines simples. C’est toujours le cas pour les corps de caractéristique nulle (comme $\mathbb{Q}, \mathbb{R}, \mathbb{C}$) et pour les corps finis.
Le théorème de l’élément primitif donne une condition suffisante pour qu’une extension finie soit simple.
Toute extension de corps finie et séparable est une extension simple.
Esquisse de la Démonstration
La démonstration se sépare en deux cas, selon que le corps de base est fini ou infini.
Cas 1 : Le corps de base K est fini
Si $K$ est un corps fini, toute extension finie $L$ de $K$ est également un corps fini. Un théorème fondamental sur la structure des corps finis stipule que le groupe multiplicatif d’un corps fini, $(L^*, \times)$, est toujours un groupe cyclique. Il existe donc un élément $\gamma \in L^*$ qui engendre tous les autres éléments non nuls de $L$ par multiplication. Cet élément $\gamma$ est alors nécessairement un élément primitif de l’extension, et l’on a $L = K(\gamma)$.
Cas 2 : Le corps de base K est infini
Par une récurrence simple, il suffit de montrer que toute extension de la forme $K(\alpha, \beta)$ (où $\alpha$ et $\beta$ sont des éléments algébriques et séparables sur $K$) est simple.
- Construction du candidat : On cherche un élément primitif de la forme $\gamma = \alpha + c\beta$ pour un certain $c \in K$.
- Polynômes minimaux : Soient $P(X)$ et $Q(X)$ les polynômes minimaux de $\alpha$ et $\beta$ sur $K$. Soient $\alpha_1, \dots, \alpha_m$ les racines de $P$ et $\beta_1, \dots, \beta_n$ les racines de $Q$ dans une clôture algébrique. Comme l’extension est séparable, ces racines sont toutes distinctes.
- Choix de la constante c : Puisque $K$ est infini, on peut choisir un $c \in K$ qui n’est pas de la forme $\frac{\alpha_i – \alpha}{\beta – \beta_j}$ pour tous les $i$ et $j \neq 1$ (en supposant $\beta = \beta_1$). Ce choix garantit que $\alpha + c\beta \neq \alpha_i + c\beta_j$ pour tout $i$ et tout $j \neq 1$.
- Le polynôme clé : On considère le polynôme $R(X) = P(\gamma – cX) \in K(\gamma)[X]$. Par construction, $\beta$ est une racine de $R(X)$ (car $R(\beta) = P(\alpha)=0$) et de $Q(X)$.
- PGCD et conclusion : Le choix de $c$ assure que $\beta$ est la seule racine commune à $R(X)$ et $Q(X)$. Par conséquent, le plus grand commun diviseur de $R(X)$ et $Q(X)$ dans l’anneau $K(\gamma)[X]$ est $X-\beta$. Comme le PGCD de deux polynômes peut être calculé par l’algorithme d’Euclide, ses coefficients sont dans le corps des coefficients des polynômes de départ, ici $K(\gamma)$. Donc, $X-\beta \in K(\gamma)[X]$, ce qui implique que $\beta \in K(\gamma)$.
- Puisque $\beta \in K(\gamma)$, et que $\gamma = \alpha + c\beta$, on a aussi $\alpha = \gamma – c\beta \in K(\gamma)$. Finalement, $K(\alpha, \beta) \subseteq K(\gamma)$. L’inclusion inverse étant triviale, on a $K(\alpha, \beta) = K(\gamma)$, et l’extension est simple.
Implications et Utilisation
- Théorie de Galois : Ce théorème est crucial en théorie de Galois. Il permet de ramener l’étude d’une extension complexe $K(\alpha_1, \dots, \alpha_n)$ à l’étude d’une extension simple $K(\gamma)$, ce qui simplifie considérablement l’analyse de son groupe de Galois.
- Corps de nombres : En particulier, toute extension finie du corps des nombres rationnels $\mathbb{Q}$ (appelée un corps de nombres) est une extension simple. Par exemple, le corps $\mathbb{Q}(\sqrt{2}, \sqrt{3})$ est égal au corps simple $\mathbb{Q}(\sqrt{2}+\sqrt{3})$.