Pour comprendre le théorème d’Hurewicz, il faut d’abord saisir l’idée de deux manières différentes d’étudier la « forme » des espaces topologiques.
- Les groupes d’homotopie ($\pi_n(X)$) classifient les différentes façons d’appliquer une n-sphère dans un espace $X$. Ils sont très puissants pour capturer la structure fine d’un espace, mais sont notoirement difficiles à calculer. Le premier groupe, $\pi_1(X)$, est le groupe fondamental qui décrit les « boucles » dans l’espace.
- Les groupes d’homologie ($H_n(X)$) sont une autre façon de détecter les « trous » de dimension n dans un espace. Ils sont construits de manière plus algébrique (avec des chaînes de simplexes) et sont en général beaucoup plus faciles à calculer.
La question naturelle est : quel est le lien entre ces deux théories ? L’homotopie semble plus géométrique et intuitive, tandis que l’homologie est plus calculable. Le théorème d’Hurewicz répond précisément à cette question.
Soit $X$ un espace topologique connexe par arcs et $n$ un entier supérieur ou égal à 1. On suppose que $X$ est (n-1)-connexe, c’est-à-dire que tous ses groupes d’homotopie $\pi_k(X)$ sont triviaux pour $k < n$.
Alors, le n-ième groupe d’homologie $H_n(X)$ est isomorphe au n-ième groupe d’homotopie $\pi_n(X)$ (ou à son « abélianisé » pour n=1).
Autrement dit, dans un espace sans « trous » de dimension inférieure à $n$, le premier groupe d’homotopie non trivial est identique au premier groupe d’homologie non trivial.
Signification et Importance
Ce théorème est un résultat central en topologie algébrique pour plusieurs raisons.
- Le Pont entre deux mondes : Il établit la première connexion fondamentale et non triviale entre les invariants homotopiques et homologiques. Il nous dit que, bien que différentes en général, ces deux théories coïncident dans les « premières dimensions non triviales » d’un espace.
- Un outil de calcul : Puisque les groupes d’homologie sont beaucoup plus faciles à calculer, le théorème d’Hurewicz nous donne un moyen de calculer certains groupes d’homotopie. Par exemple, pour la n-sphère $S^n$, on peut calculer que $H_n(S^n) = \mathbb{Z}$. Comme $S^n$ est (n-1)-connexe, on peut en déduire que $\pi_n(S^n) = \mathbb{Z}$, un résultat très difficile à obtenir directement.
- Classification des espaces : Le théorème est une étape clé dans la théorie des espaces d’Eilenberg-MacLane, qui sont les « briques de base » pour construire des espaces topologiques plus complexes. Il aide à comprendre comment la structure topologique est dictée par les premiers groupes d’homotopie non nuls.